De Sylt à Venise : le chef étoilé Johannes King pédale pour la bonne cause.
03.08.2023 | People & Society
Traverser l’Allemagne du nord au sud en E-Bike, en passant par le col du Brenner, le Tyrol du Sud et rejoindre Venise : nous avons rencontré Johannes King et avons voulu savoir comment lui est venue l’idée de ce grand périple, mais aussi comment un chef doublement étoilé se restaure pendant un tel voyage.
Bonjour Johannes. Tu viens de parcourir plus de 1 600 km et 8 200 mètres de dénivelé pour te rendre de Sylt à Venise pour une action caritative. Comment un chef doublement étoilé se prépare-t-il sur le plan culinaire pour un voyage de ce type ?
(Rit) Dans mon cas, en ne faisant rien du tout ! Je n’ai pratiquement pas emporté de provisions, et j’ai donc passé beaucoup de temps à chercher désespérément une boulangerie, un boucher ou une bonne auberge. Malheureusement, j’ai souvent eu du mal à bien manger car les artisans traditionnels se font de plus en plus rares. Les produits de grande consommation et industriels sont partout. Lors de ces traversées du désert, j’optais simplement pour des pommes ou des bananes. J’étais donc d’autant plus ravi quand je tombais par hasard sur de bonnes auberges ou boulangeries, qui proposaient des produits et des plats de qualité et faits maison.
Quelle est la raison de ce périple ?
Après 23 ans derrière mes fourneaux, j’ai décidé de quitter la direction du restaurant Söl’ring Hof à Sylt, pour avoir plus de temps pour moi. J’ai alors eu l’idée de consacrer chaque année, et pendant les dix prochaines années, dix jours de mon temps à une bonne cause. En 2022, j’ai donc fait ma première course de bienfaisance à vélo, de Sylt à Paris, grâce à laquelle j’ai pu récolter plus de 50 000 euros pour différentes organisations caritatives en pédalant. C’était un peu mon pèlerinage de Compostelle à vélo. Cette année, je suis également parti de Sylt, et j’ai traversé Hambourg, Göttingen, Munich, Innsbruck et le col du Brenner pour rejoindre Venise.
Quelle cause représentes-tu cette fois-ci ?
Je récolte des dons pour deux organisations : Save the children e. V., qui s’engage pour les enfants nécessiteux dans le monde, et ACKER e. V., qui œuvre à mieux valoriser les aliments et à lutter contre la dégradation du savoir et des compétences en matière de production alimentaire.
Quels sont leurs projets ?
Ces organisations se concentrent essentiellement sur des programmes de formation, pour apprendre aux enfants et aux jeunes à cultiver des légumes sur une surface agricole dédiée, à les récolter et à les transformer. L’idée est de les faire apprendre par la pratique, et ils acquièrent ainsi un important savoir-faire de manière ludique. Je suis particulièrement sensible au programme « AckerRacker », qui s’adresse aux tout-petits. Ma collecte de fonds se termine fin août 2023. Chaque euro donné est important.
Te déplaces-tu beaucoup à vélo dans ton quotidien ?
Absolument. Mais je n’ai rien d’un cycliste pro ! (Rit) J’habite à environ 12 km de mon travail, et j’aime bien faire le trajet en E-Bike. Je termine souvent le travail vers 23h, et j’apprécie le retour en pleine nuit grâce à l’assistance électrique et le bon éclairage. Je parcours donc environ 200 km par semaine, toute l’année.
T’es-tu préparé spécialement pour ce voyage ?
J’ai la chance d’être matinal. Et ici, dans le nord de l’Allemagne, le soleil se lève très tôt. Trois à quatre fois par semaine, j’ai profité des premières heures de la journée pour faire une sortie à vélo. En général, je parcourais 80 km avant de faire une pause pour prendre mon petit-déjeuner. J’ai fait cela pendant six semaines. Toutefois, comme je le dis souvent : on peut préparer ses jambes, ses poignets et sa nuque, mais pas ses fesses ! (Rit) Malgré tout, je suis très satisfait de la selle que j’utilise depuis déjà deux ans. Je fais aussi du yoga depuis assez longtemps. J’ai emporté mon tapis de yoga sur mon porte-bagages pendant mon périple, et l’après-midi, je me trouvais un petit coin à l’ombre pour faire des étirements et des exercices de relaxation.
Combien de temps a duré ton voyage ?
12 jours. J’ai planifié les itinéraires de chaque journée avec Komoot. Le premier jour a été un véritable cauchemar (rit). En une journée, j’ai parcouru les 215 kilomètres qui séparent Rantum de Hambourg. Mais je voulais arriver à temps pour célébrer les 30 ans de ma fille. Les jours suivants, je n’ai pas traîné non plus, et j’ai parcouru entre 160 et 180 km par jour. Ensuite, j’ai ralenti la machine. Le huitième jour, j’ai passé le col du Brenner, avec un dénivelé de 23 %. C’était sportif, mais les sentiers étaient fantastiques.
Pour ton voyage, tu as opté pour un Supercharger de Riese & Müller.
Oui, j’utilise ce vélo depuis environ deux ans. Il est top ! Son ergonomie est parfaite et il est stable et sûr. Même après un long périple, il nécessite peu de maintenance. Je suis très bien conseillé par mon revendeur local, ici à Sylt, Nordsee Bike.
Quel repas conseillerais-tu la veille d’un grand périple à vélo ?
Chez moi, j’ai une super machine à pâtes. Je peux préparer de délicieuses pâtes fraîches. J’y ajoute des chanterelles fraîches, de jeunes poireaux et un tas d’herbes aromatiques. Et en dessert, un gros morceau de gâteau au chocolat !
Le développement durable joue-t-il un rôle important dans ta cuisine ?
Absolument. Je suis partisan d’une alimentation savoureuse, simple et raisonnable. Ce qui implique de valoriser les aliments, une terre en bonne santé et une eau propre. Il faut considérer les produits dans leur cycle naturel. Prenons l’asperge par exemple : l’asperge est disponible environ six semaines par an. On attend cette saison avec impatience le reste de l’année. Une privation qui implique qu’on en a encore plus envie. En pleine saison de l’asperge, on profite ainsi de la meilleure qualité nutritionnelle possible, mais aussi d’un large choix. Rien à voir avec l’asperge cultivée sous serre et qui est disponible bien avant et après la saison. Cela vaut pour tous les produits de saison, qu’il s’agisse des blettes, des choux-fleurs, des fraises ou des concombres. Chaque chose en son temps. C’est ainsi que le développement durable prend tout son sens.
As-tu déjà des plans pour l’an prochain ?
Je pense que je vais continuer à pédaler. J’imagine un voyage en plusieurs étapes avec une dizaine de participants. À la fin de chaque journée, je pourrais cuisiner pour eux. Sinon, je pensais à un voyage dans la vallée du Douro, car j’adore le Porto. J’ai encore plein d’idées. (rit)
Merci pour cet entretien, Johannes !
Pour plus d’informations sur sa levée de fonds, rendez-vous sur : Johannes King Stiftung
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Élevé avec neuf frères et sœurs dans la Forêt-Noire, Johannes King travaille entre Cologne, Vienne et Berlin et a appris son métier auprès de grands chefs français. En 1993, il reçoit sa première étoile Michelin. De 2000 à 2021, Johannes King a travaillé au Dorint Söl’ring Hof de Rantum sur l’île de Sylt, qui reçoit une seconde étoile Michelin en 2004. En 2022, il abandonne la direction du restaurant et ouvre en plus de sa boutique « Genuss-Shop », qu’il gère depuis 2013, un pop-up store dans l’ancienne gare « Alten Keitumer Bahnhof » dans lequel il propose des produits de différents partenaires.
Le public allemand connaît également Johannes King de par ses apparitions télévisées régulières, comme en 2018, lorsqu’il affronte Tim Mälzer lors d’un duel culinaire pour l’émission « Kitchen Impossible ».